:: Article de Presse ::

Entretient avec B.LEBEAU

Quarante années de travail, de recherche, de cheminement vers l'absolu, c'est ce que l'on découvre dans la vaste galerie qui abrite l'œuvre de G.A FAVAUDON : une œuvre aux multiples aspects, qui impressionne dés le premier regard, qui déroute et dérange un peu ce que chacun garde encore de cartésien dans sa vision du monde. Une œuvre qui donne envie de connaître l'homme, de comprendre la démarche intellectuelle et scientifique qui le conduit à s'exprimer sous cette forme. Sa production est importante : gouaches, aquarelles, huiles, encres de chine, bois, pierre et béton sculptés, œuvres aux proportions monumentales jusqu'au petit chef-d'œuvre.

Retracer la vie de G.A FAVAUDON, c'est l'histoire d'une recherche, d'une interrogation dont il cherche sans cesse la réponse.

Très jeune, il est attiré par la peinture. Formé en France et surtout à l'étranger, aux Etats-Unis, au Canada, dans divers ateliers, il acquiert une technique et une maîtrise des éléments qui lui seront extrêmement précieuses.

Au début, il s'oriente spontanément vers le figuratif, le paysage.

Puis un jour, contemplant son travail d'un œil critique, il eut une révélation : peindre, ce ne pouvait pas être pour lui la reproduction plus ou moins sensible, plus ou moins imagée de ce qu'il voyait.

Il sent en lui d'autres possibilités, une autre vocation...

C'est un homme exigeant, qui n'admet pas de compromis. Il brûle alors toute son œuvre, plus de 150 tableaux.
Douloureuse épreuve, longue méditation, d'où il sort bientôt grandi, animé d'une foi épurée, vivifiée, intensifiée.
Il a trouvé sa voie, la seule qui lui paraisse digne d'un artiste dans le monde d'aujourd'hui.

Il met ses dons de la métaphysique. C'est une vois difficile dans laquelle s'oriente alors, un domaine sans limite.

Pour lui, la peinture devient une affaire mentale.

Plus de paysages, plus de natures mortes, mais des états, des fonctions, des idées.

Ses toiles s'appellent : "La conscience", "La fécondation", "Résurrection"...

M. FAVAUDON, quel est, selon vous le rôle de l'artiste, sa vocation dans la société contemporaine ?

"Etre artiste ne peut plus être aujourd'hui sentir ou même ressentir, ce doit être avant tout pressentir. Socrate disait "L'art est une mise en garde, voire une mise en demeure".

L'artiste doit donc travailler dans une dimension prospective, il doit progresser du connu vers l'inconnu et surtout dans la mesure où le visible tient à l'invisible, tenter d'exprimer cet inconnu. Je ne sais pas si j'y parviendrai jamais, mais c'est pour moi la mission essentielle de l'artiste.

Je tente par tous les moyens en ma possession actuellement d'ajouter à l'art une quatrième dimension.

Cette quatrième dimension est le reflet du temps intérieur : ce temps intérieur, qui a perdu sa sérénité native et qui tend à s'accélérer sans cesse sous l'œil impitoyable de la conscience universelle.

Comment la trouver ? En s'appuyant sur l'espace, le mouvement et le temps.

L'objet, la personne, ne m'intéressent pas en tant que réalité matérielle, mon travail consiste à saisir l'intemporel dans le temporel et l'espace indéfini dans le fini qui les auréoles, à susciter des phénomènes de mouvance qui rattachent les choses entre elles et les expliquent.

Mon but est de poser sur la toile une synthèse de l'objet, sans superflu, mais sans omettre un seul élément-clé.

Je veux arriver à mettre le maximum de connaissances et d'acquis dans le minimum d'expression."

Si cette démarche intellectuelle donne jour à une œuvre parfois difficilement appréhendable, on est cependant séduit par le jeu des lignes et des rythmes, par cette polychromie de taches et de figures.

Qu'il soit sculpteur ou peintre, Favaudon jongle avec les néologismes, les errances et les aberances, l'aventure planétique, l'astrolatrie et la panique érotesque, pour employer le langage que cet audacieux créateur de formes inusitées emploie dans son œuvre poétique et philosophique.

Cette trilogie réunie en une seule entité est peut-être ce qu'il y a de plus marquant chez cet homme.

Vous êtes sculpteur, peintre, poète, philosophe, on sent en vous un besoin de vous
exprimer sous les multiples formes de l'art, pourquoi ne vous êtes-vous pas consacré
à un seul art ?

"L'art n'est pas spécialité ni affaire de spécialistes. L'art est total. Les différentes formes d'arts complètent

et s'enrichissent quand elles s'associent. Regardez cette statue représentant une femme hurlant de douleur devant son enfant qu'on à tué, cette femme au ventre vide, donné à l'homme, donné à l'enfant, donné à l'histoire de l'humanité.

Cette œuvre sera considérablement enrichie si on lui ajoute la musique, la danse, la parole. Elle éclatera en une multitude de sens et parlera à chacun en un langage propre mais global."

Votre démarche constitue une sorte de rébellion contre un matérialisme outrancier
pour s'orienter vers une quête de l'absolu, ne craignez-vous pas d'être incompris de
vos contemporains ?

"Evidemment, le public n'est pas toujours réceptif à une tentative. Mais je n'ai pas le goût de la sécurité intellectuelle. Je refuse de sombrer dans la facilité, de faire des concessions. Une œuvre d'art est un temple secret.

Mon but n'est pas de plaire, ou d'étonner, mais tout simplement d'exécuter un travail d'homme vivant, avec le plus de sincérité possible, profitant d'un court passage sur terre pour raconter ce que le destin lui a légué en partage, par hasard peut-être. En toute choses, je mets de la passion. C'est ainsi. Et je n'ai aucune raison de modifier ma trajectoire initiale.

Je bâtis un univers à ma mesure, sans forcer les moyens dont ma doté la nature. Je n'ai donc que peu de mérite si ce n'est de suivre inconditionnellement cette mécanique sans marche arrière, munie seulement d'un point mort pour le temps de la réflexion et des inévitables bilans."

Avez-vous des maîtres, une école à laquelle vous vous rattacheriez ?

"Non, je pense que dans sa recherche, l'homme est toujours seul.

J'aime particulièrement certains hommes qui ont été véritablement des créateurs, qui ont donné une direction nouvelle à l'art. Je pense à Picasso, à Chagall, à Pollock, à Hartung, à Brancusi, à Le corbusier, à quelques Autres...

Mais il ne faut pas oublier l'hommage qui est dû aux bâtisseurs du 'Temple des arts'.

Sans eux, que serions-nous ?

Et notre devoir n'est-il pas d'aller plus haut, plus loin, avec les moyens et les connaissances qu'ils ont mis à notre disposition ?

Ne faut-il pas, compte tenu de tout cela, 'respirer' avec le FUTUR ? "

Vous avez donné une très belle œuvre à la commune d'Aubrives et à son Eglise, et devez collaborer à la restauration de Hierges, destiné à être classé Village de France. Pensez-vous pouvoir agir sur votre environnement culturel ?

"Un artiste ne crée pas pour lui-même. S'il veut faire passer un message à ses contemporains, il doit participer à l'espace culturel où il s'insère. J'ai déjà laissé à Troyes, Epernay et Romilly-sur-Seine, des sculptures importantes. J'espère que ma collaboration à la classification de Hierges,Village Porte de France, pourra apporter une dimension supplémentaire à cette réalisation.

De plus j'aimerais faire de cet Atelier de la Presle un centre culturel, une sorte d'Académie d'Art où quiconque aime la création éprouvera le plaisir d'y voir des œuvres qui ouvrent les voies de l'imaginaire, d'y échanger des impressions et surtout, d'y trouver un enrichissement personnel.

Quel sera mon rôle officiel ? A vrai dire, je l'ignore encore. Cependant, si j'ai quelques actions à entreprendre, je souhaiterais que dans un univers, ramené à sa pureté esthétique originelle, l'ART s'installe.

Dans un premier temps, une sculpture pourrait être installée sur chaque espace disponible.

Ceci, afin que l'image que l'on est en droit de se faire de la France apparaisse dés la première porte permettant d'y entrer."