Les Arts et les Artistes (Article du 20 février 1975)
Certains habitués du théâtre de Troyes, dont l'il n'a pas suivi, semble t-il, la courbe de la modernité en matière d'art se sont émus de constater que trois sculptures d'esprit très contemporain figurent désormais dans le hall d'entrée et dans l' "aquarium" de la salle municipale. Qui a choisi ces pièces ? Se demandent-ils, perplexes... Pourquoi le leur cacher ? Les auteurs de ce choix sont tout simplement M. André Beury, maire adjoint de Troyes, président de la commission des affaires culturelles et le signataire de ces lignes... Non, nous ne sommes pas fous, mais nous avons estimé que le cadre en glace et en métal anodisé du théâtre ne pouvait accueillir que des sculptures modernes. Vous voyez, vous, une Terpischore classique perchée sur un pied, le sourire béat, en train d'accueillir les spectateurs ? Certes, les uvres de Georges-Armand FAVAUDON - c'est de lui qu'il s'agit - demandent à être expliquées. Et M. André Beury envisage, à cet effet, d'organiser au théâtre de Troyes une exposition des sculptures et de peintures de Favaudon, exposition au cours de laquelle l'artiste répondra à toutes les questions qui lui seront posées. Mlle Marguerite Dubuisson, conservateur honoraire des musées de Troyes, qui connaît bien l'uvre peint et sculpté de Favaudon, a été sollicitée pour présenter cette exposition, dont le vernissage est fixé au vendredi 6 mars prochain.
RAY.
Georges Favaudon, la puissance et l'enthousiasme d'un artiste généreux.
Nous avons très succinctement traité, à
l'occasion du vernissage de l'exposition de Georges Favaudon, au théâtre
municipale au contenu de cette présentation de grande qualité
qui a déjà été vue par quelques centaines d'amateurs
d'arts avertis qui n'ont pas caché leur enthousiasme...
Si nous y revenons aujourd'hui, c'est avant tout au travers de la présentation
vivante qu'en a faites Mlle Marguerite Dubuisson, ex-conservateur des musées
de Troyes, pour souligner combien elle mérite intérêt...
Il faut souligner que Mlle Dubuisson fut la toute première à
découvrir et encourager Georges Favaudon en 1967, lors de sa première
exposition à la MJC de Romilly et qu'elle n'a cessé de le soutenir
depuis dans la voie qu'il s'est tracée dans l'abstrait...
" L'art se ressent, il ne s'explique pas. C'est une étincelle
quasi divine et sacrée qui permet d'établir le contact avec
l'uvre d'art et cette étincelle ne jaillit que si l'uvre
d'art qui s'adresse à l'homme comporte un contenu humain ".
Au travers de cette première analyse on serait déjà tenté
d'écrire que l'uvre de Favaudon répond à ce critère,
mais les puristes rétorqueraient qu'il est bien difficile de voir l'homme
dans l'abstrait...
Ce à quoi Mlle Dubuisson répond par avance en affirmant que
lorsque l'abstrait se joint au figuratif l'art atteint sa plénitude,
et que c'est précisément ce phénomène qui peut
être observé chez Favaudon, qui qualifie effectivement ses uvres
d'abstractions figuratives...
Pour expliquer l'attirance que suscitent les uvres de cet artiste, au
talent puissant et à l'enthousiasme intact, Mlle Dubuisson fait appel
à la sensibilisation particulière de l'homme du XXe siècle...
Environné de forces puissantes qu'il parvient peu à peu à
comprendre et pas toujours à maîtriser, il tend à aller
au-delà des apparences, s'engager toujours plus avant dans la voie
des chimères et de l'utopie, monde extraordinaire, réalité
nouvelle que récrée Favaudon.
Mais si tout cela peut être transmis, si tout cela devient perceptible,
c'est grâce à la technique de l'artiste, si savante et si personnelle,
grâce à la magie de la couleur car il est peintre de qualité,
grâce au prestige de sa composition, la noblesse de ses volumes sculpturaux
et bien souvent grâce à son envolée...
Présentées en ces termes, les uvres de Favaudon ne peuvent
manquer de susciter la curiosité... Il faut voir cette exposition hall
et foyer du théâtre municipal de Troyes.
J.B
L'art libérateur
LES HOMMES ont besoin aussi de beauté.
Qu'un créateur authentique comme Georges Favaudon, dont il faut aller voir les sculptures et les peintures au théâtre municipal, l'ait souligné à l'occasion de l'ouverture de son exposition, on pensera que c'est la moindre des choses dans sa bouche.
Or, c'est très important.
Favaudon faisait remarquer que les architectes, les urbanistes, les constructeurs,
tous ceux qui font profession d'aménagement et d'équipement,
déterminent des "espaces" où l'uvre d'art monumental
pourrait et devrait normalement trouver sa place.
Favaudon parla des autoroutes. Il aurait pu tout aussi bien parler de ces "parcs", qui semblent voués à la protection et à la sauvegarde de certaines formes de vies hélas ! menacées. Et que dire de l'espace urbain, où foisonnent à présent tant de laideurs ?
On a enfermé les chef-d'uvre d'hier, avec pas mal de navets, dans les musées. Mais les musées ne sont guère visités que par les spécialistes des musées... et par les voleurs de tableaux et statues.
L'art n'a pas à être camouflé. Il est présence, appel et mise en demeure.
L'art n'est pas une branche coupée. Il est un arbre en devenir, toujours reverdissant.
L'art est peuple enfin. Et il souffre terriblement des fausses élites qui le méprisent dans leur ignorance, ou - pis - qui voudraient l'enchaîner, comme tout le reste, à leur médiocrité satisfaite et intéressée.
Parmi les artistes, le temps fera son tri ; mais les
vrais sont les hommes les plus aptes à transformer le réel,
pour la joie des yeux et l'éveil de l'esprit.
Marcel DEGOIS.