:: Article de Presse ::

Par Ray VAN DE MERGHEL

Georges-Armand FAVAUDON s'est enfermé dans un système bien à lui qui constitue l'aboutissement de nombreuses années d'efforts et de recherches, tant dans le domaine de la statuaire que celui de la peinture. Art à la fois décevant et attachant, il est vrai : décevant parce que, à travers tant d'œuvres exposées, l'unité de style n'apparaît pas toujours ; attachant, parce que ces jeux de lignes et de rythmes, cette polychromie de taches et de figures intelligemment agencées s'inscrivent dans le mode de penser de notre temps. Qu'il soit sculpteur ou peintre, FAVAUDON jongle avec les volumes et avec les graphismes comme il jongle avec les néologismes, les errances et les aberrances, l'aventure planétique, l'astrolatrie et la panique érotesque, puisque cet audacieux créateur de formes inusitées ajoute à ses talents déjà multiples celui de poète - philosophe. Et cette trilogie réunie en une seule entité est peut-être ce qu'il y a de plus caractéristique chez FAVAUDON dont le comportement n'a pas fini de nous étonner.

Il est des œuvres qu'on porte en son cœur sans pour autant ressentir le besoin de les expliquer, de les juger, voire de les comprendre. Les peintures et sculptures de FAVAUDON sont celles-là, qui ouvrent une large porte sur un monde en perpétuelle gestation, à l'ère de l'aventure scientifique et, par-là même, digne d'intérêt.

FAVAUDON est un cas. Le personnage est si attachant qu'il mérite qu'on s'attarde à ses complexités, à ses recherches. L'aventure picturale de celui qui peut à juste titre être considéré comme un artiste de notre temps a commencé il y a une vingtaine d'années, alors que, séduit par une manière de s'exprimer encore nouvelle pour lui, le peintre accomplit ses gammes classiques figuratives, clé de voûte de tout cet édifice artistique normalement constitué. Et si la représentation du monde visible n'est bientôt plus pour lui qu'une dérogeance, qu'un exercice dérisoire, il n'en poursuit pas moins sa tâche, en évitant toute fois les académismes, les formules. La vie, la mort, les espaces infinis, la symbolique des astres, les problèmes de la création, et aussi, le drame universel de la condition humaine, lui donnent alors l'occasion de s'exprimer d'une manière particulière, souvent proche de l'abstraction. Un dynamisme généreux et une vibration intense animent ses peintures, dans lesquelles la profusion des graphismes, parfois organisés autour d'un centre de gravité, constitue l'une des principales caractéristiques d'un art basé avant tout sur une action personnelle.

Dans des élans d'une rare virtuosité, où interviennent des notions d'espace et de temps, l'imagination du peintre, que l'on devine meublée de fantasmes brode autour de thèmes cent fois repensés, traduisant, en dépit de leur apparente sérénité, une certaine inquiétude, une certaine angoisse devant un univers métaphysique trop peu perceptible à l'humain.

Parallèlement à son œuvre de peintre, FAVAUDON, sans doute séduit par l'expérience d'un ZADKINE ou d'un LAURENS, qui remettent sans cesse en question l'esprit et la forme de la statuaire, attaque une seconde carrière, qu'il mène sans répit, dressant des formes humaines tourmentées, brisées, traitées dans une perspective mythique et, surtout, libérées de la stricte austérité où s'enferment certains sculpteurs de la jeune génération. Les lignes tissent des volumes souples, sans heurts, sans rudesses, mais également sans concessions de quelque sorte que ce soit. Elles témoignent, dans leur langage ésotérique, d'un talent en plein épanouissement et qui se refuse à la facilité.

L'art de FAVAUDON, qui s'épanouit en dehors de notions trop communément admises, invite à une profonde rêverie : celle de l'imaginaire et, comme tel, il mérite toute notre attention.

Quelles que soient l'estime ou la compréhension dont on fait preuve à l'égard de l'œuvre de FAVAUDON, il faut bien admettre que peu d'hommes servent l'Art aussi généreusement que ne le fait actuellement ce peintre.

FAVAUDON ne croit pas en la peinture d'agrément ou de passe temps et, s'il établit dans son expression picturale un climat bien particulier, il se refuse à tous compromis avec les commodités d'une abstraction sans fondement véritable. Car le peintre ne conçoit pas l'art non figuratif à la manière des tachistes ou des expressionnistes abstraits, c'est-à-dire comme une éruption volcanique et désordonnée bien trop souvent factice, mais comme une discipline pensée visant à le recherche d'une quatrième dimension, qui peut se situer en dehors de même de la conception graphique. La production de FAVAUDON est immense, surprenante, inhumaine.
L'homme physiquement d'une exceptionnelle robustesse, n'est pas seulement un artisan achevé de la couleur et de la forme, mais un chercheur authentique dont la démarche forme une saine rébellion contre le matérialisme outrancier dans lequel se complaisent tant d'artistes contemporains. Sa peinture traduit l'ampleur d'une pensée réfléchie, le refus des contacts superficiels. En quelques années, FAVAUDON passe du figuratif à l'expérience, brûle cent cinquante toiles afin de ne pas sombrer dans la facilité, poursuit inexorablement ses recherches, chacune de ses compositions devenant une étape vers cet absolu dont il est en quête.
Géographiquement isolé, FAVAUDON ne semble pas vouloir s'affranchir de cet isolement, afin de pouvoir conserver son indépendance d'esprit et de travail. Conscient de ce que le mysticisme et la spiritualité constituent l'essence même de l'œuvre d'art, peu lui chaut que le public ne soit pas toujours réceptif à sa tentative. D'années en années, il reprend l'expérience pour son propre compte, pour sa propre satisfaction aussi et, en définitive, pour la nôtre. Le monde de FAVAUDON est éternellement en gestation : ses toiles, tout habitées de mystérieuses présences, dégagent une impression d'éternité, plus exactement de non-temps ; En dépit de leur complexité et de leur rigorisme, elles sont d'une richesse étonnante, et témoignent, à travers leur philosophie ésotérique, d'une profession de foi qui s'appuie avec bonheur sur certaine symbolique de l'homme : Le droit à la vie, la mort, l'au-delà.

Parallèlement à son œuvre de peintre, FAVAUDON, sculpte dans la glaise ou dans le bois des formes aux courbes polies, idéalisées par l'abstrait, qui appartiennent également au monde du rêve et de la métaphysique.
Elles s'insèrent dans l'espace dimensionnel du peintre sans rudesse et sans heurt, attestant de beaucoup de présence humaine et, telles quelles, méritent toute notre attention.
Tel est en bref le credo de ce peintre attachant.

" Mon But, dit en substance FAVAUDON, n'est pas d'étonner, mais tout simplement d'exécuter un travail d'homme vivant, profitant d'un cours passage sur terre pour raconter ce que le destin lui a légué en partage, par hasard peut-être. En toute chose, je mets de la passion. C'est ainsi. Et je n'ai aucune raison de modifier ma trajectoire initiale. Mon œuvre s'oriente vers la richesse de la quatrième dimension en art, en appuyant sur les critères qui situent l'éternel dans le momentané, le fini dans l'infini, le neutre dans l'objectif, l'intemporel dans le temps. Cela suivant la théorie consistant à démontrer que l'absolu est partout. Rien ne dit que j'atteindrai le but que je me suis fixé. Nous verrons de quoi demain sera fait... ".

L'artiste estime qu'il convient toujours de regarder l'avenir et il dit sa joie de pouvoir embellir le matériau dont il use. Il regrette cependant qu'en France trop d'espaces disponibles ne soient pas utilisés au profit de l'art, et c'est dans cette optique qu'il entend plus que jamais œuvrer.